Urbains ou non, les oloé sont, dans mon esprit, des endroits où il est possible de lire et/ou d’écrire. Au nombre de treize, ils forment un livre. Christopher Selac, que je remercie de son accueil (et de sa patience !), m’a proposé, lors de ces vases communicants, de prendre pour thème l’oloé de campagne. Pour cela, je me suis replacée dans l’oloé #2, coin à pommes, framboises d’un jardin de l’Oise, deux ans, une saison plus tard.
Avant
Pourquoi plus de campagne, plus de sérénité, plus rien d’autre qu’un bombardement, ondes, coups au cœur, vide et trop-plein mêlés ? Pourquoi l’envie de faire exploser tout ce qui ressemble à pelouse oiseau branche brin clôture silence (quoique silence non) pré vache j’en passe comme s’il n’était plus possible de faire la moindre pause, de lire en continu, d’écrire long ? Pourquoi ce dégoût de tout ce qui n’est pas intensité vitesse violence danger risque ? Pourquoi ce besoin de s’arracher par lambeaux, ne plus vouloir se reconstituer, refaire surface ?
Ces choses sont vraies, fausses en permanence.
Disjoncter, remettre le disjoncteur en route.
Au bord, tendre son fil c’est encore y suspendre les autres.
La campagne ne peut rien pour moi. Où lire où écrire là-bas ?
Est-ce qu’il me faut tant de tension ? Vraiment ?
Voilà : pas le temps de développer, de faire un paragraphe, une phrase un saut de ligne, hop, c’est ainsi que ça se passe.
Comment, dès lors, penser le banc ou la chaise longue ? C’est plutôt se lancer d’un wagon à l’autre, rester dans le suspens de la correspondance. L’arrêt, dans le lire écrire qui n’est pas de campagne, c’est descendre du train, entamer la marche.
Stop.
Pendant
Un dimanche matin. Qu’est-ce qu’en ville on ne veut pas lâcher ? Ici (papillon à tache rouge posé sur la terre comme une feuille morte, corbeau, trille, longue étendue verte) le lien se distend, il n’y a plus grand chose contre quoi lutter. Les pommes dégringolent, on sait où me trouver mais personne n’y vient. J’ai dans mes affaires (le papillon s’envole) Erri de Luca et Lydie Salvayre, la revue d’ici là. Chants d’oiseaux par deux, des voix m’accompagnent.
Le banc est placé au fond du jardin sous un arbre sans pomme, il supporte à peine une toile d’araignée. Dans le sac les livres, en tête mon Décor (comment le terminer, comment l’unifier, est-ce qu’il manque quelque chose ?). A force on ne sait plus qu’on écrit tout le temps (mails, posts, tweets, lettres, résumés, compte-rendus critiques, textes longs et courts). Des cloches d’église, des détonations, des chasseurs, un chien ; devant, les buissons, le coin à framboises, la haie où l’hiver on trouve du houx.
Tout cela, des notes.
Quelques secondes encore avant de rentrer, de se rendre utile. Poser le stylo, fermer le carnet. Découvrir dans l’herbe une nouvelle toile, libre, horizontale. L’araignée s’est fiée aux brins. En est devenue vague, presque indétectable, ondoie au soleil.
La voix parasite de l’Oloé #2 qui gênait la marche, empêchait d’écrire, ne pèse plus rien.
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