C’est désormais le rituel du premier vendredi de chaque mois, des blogueurs, des auteurs, des écrivains, échangent leurs blogs. L’espace d’un billet, ils écrivent les uns chez les autres, en tandem : ce sont les Vases communicants. Pour ce vendredi 1er juillet, c’est Louise Imagine qui me fait l’honneur de cette rencontre, et qui me permet de vous faire découvrir ses multiples talents. Retrouvez aussi sur son blog mon billet intitulé lui aussi “Destination inconnue”. La liste des autres échanges se trouve ici.

 

Prépare ta valise
Nous partons ce soir…

Tes mots…
Suspendus.
Tes mots glissés à mes oreilles…
Frémissement d’un souffle…

Je t’entends.

Mais peut-être ne les as-tu jamais  prononcés ?

Deux phrases, à peine, dans ce matin naissant.

Ai-je rêvé ?

Deux phrases minuscules, quelques secondes, sons susurrés effleurant la surface malléable réactive de mes rêves.

Puis trouble, remous, questions s’enfuyant en mouvements concentriques, cercles grandissants de ces mots posés, esquissés, déjà perdus, échappés. Des idées en découlent, pensées en vagues lentes et régulières…

Ai-je rêvé ?

Ta voix.

Le timbre de ta voix.

Espiègle…

Les as-tu même prononcé ces mots, vapeur fragile et volubile, qu’en reste-t-il une seconde après, rien, une intonation familière qui se dessine se désassemble, se réinvente, silence…

Ta voix…

Mais peut-être l’ai-je imaginée ?

Tes lèvres ont-elles seulement bougées ?

Ai-je senti ton souffle contre ma nuque ?

Ai-je même senti ton corps se déplacer, glissement entre les draps, se rapprochant, juste contre moi…

Je devinais tes lèvres à quelques millimètres à peine de ma peau, (mais peut-être était-ce un rêve ?) immobiles dans l’éblouissement matinal, instant gelé figé au creux de l’air, de l’eau, ancré aux éléments.

Ta bouche, je pourrais la dessiner sans la moindre hésitation, là, suspendue à quelques millimètres de moi, je pourrais la sculpter avec une infinie acuité, chacun des sillons creusant ta chair gourmande, chaque inflexion, rebond, je pourrais sculpter l’air de mes doigts précis, par cœur, je connais par cœur, dessiner ta lèvre inférieure, généreuse, sa ligne enfantine sur ton visage d’homme, les commissures délicates, les sillons scintillants. De mes doigts fébriles je pourrais pétrir l’air et de cette matière diffuse et fuyante, sculpter les courbes précieuses de ta chair.

Nous partons ce soir.

Pour où ? Vers où ? Peu importe.

Je me rendors.

Ton coude s’enfonçant tout près de mon dos, le poids de ton corps, tu te penches, souffle régulier, entier, chaleur courant sur mes cheveux, s’écoulant, embrassant la peau sensible de ma nuque, frémissements…

Froissements des draps, tu te rapproches, ton corps bientôt tout contre, contre le mien, fondu au mien. Tu te rapproches et tout mon corps se prépare, tu te rapproches et tout mon corps demande ce rapprochement, devine et épouse ta présence.

Puis tu t’arrêtes brusquement.

Cristallisation d’une seconde en un instant éclatant.

Toute une éternité, là, concentrée dans cette attente.

À moins que cela ne soit un rêve, un de ces rêves violent et doux, tendre et brûlant, un de ces rêves qui fait vaciller le présent.


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