Enfin… Enfin tu refais surface, et il était temps. Happé comme tant d’autres sujets par les trous noirs médiatiques (mariage de Kate et William, affaire DSK, sécheresse historique et bactéries tueuses), tu avais disparu de nos écrans, de nos fils d’information, avec parfois un petit soubresaut. Seule l’Allemagne, en décidant de sortir du nucléaire, nous avait fourni une occasion de te rappeler à nous, le temps d’une pensée furtive. Dans les journaux, les magazines, quelques places, petites, rares…
Aux côtés des printemps arabes, des indignations de la jeunesse européenne, d’une guerre libyenne, tu t’enracinais silencieusement dans l’antichambre de l’information comme un patient sans rendez-vous dans la salle d’attente d’un médecin de campagne l’hiver. Fukushima, Japon, 2011. Tiraillé entre une exigence de vérité et la peur de l’entendre.
Plus encore qu’à la même période de 2008, le monde oscille, bascule, s’agite, sans que nous ne sachions très bien où il va, sans pouvoir donner un sens total à ces événements si épars, si différents, et qui pourtant résonnent comme autant de fondations d’un futur à construire, sans véritable contour, sans forme prédéfinie.
Faut-il remonter plus loin ? Dans les méandres de nos mémoires, est-ce là le dernier soubresaut du monde construit sur les ruines d’une deuxième guerre mondiale, cet ordre établi d’une seconde moitié de XXème siècle qui n’en finit plus de s’éteindre ? Effondrements politiques (du Mur de Berlin, de l’ex-URSS, du World Trade Center, des régimes arabes), effondrements financiers (crise de 2008 et ses répliques) et économiques, effondrements énergétiques (le nucléaire aujourd’hui, le pétrole demain ?)… Pourquoi faut-il détruire avant de reconstruire ? Pourquoi tout ne commence et ne se termine que par des guerres, des combats, des affrontements ?
Mais je m’égare… L’émergence d’un monde nouveau, porté par une jeunesse et par un nouvel âge technologique mondialisés, n’est pas à sa place ici. Ici, ce sont les trois cœurs en fusion qui viennent pincer la manche de mon esprit. La tirer pour me dire qu’ils sont là, que je dois faire attention à eux, qu’ils ont quelque chose à me demander.
A mesure que le deuxième roman se détache de son auteur pour vivre sa vie, eux s’emparent de l’espace laissé libre, de cette part d’imagination fertile laissée libre par la dernière récolte, et sur laquelle ils entendent prospérer. Une carte se dessine dans mon esprit, je la sens, je la vois. Bientôt, à l’automne, à l’hiver peut-être, je la poserai sur du papier, sur un écran. Et parmi toutes les questions auxquelles il me faudra répondre dans les mois qui viennent, une commence déjà à s’imposer : puis-je écrire sur des sujets aussi graves, avec la justesse, l’intensité et la sensibilité nécessaires, dans l’espace-temps qui est le mien aujourd’hui ?
Il y a peut-être là, pour que ce projet puisse un jour naître, un affrontement contre soi à conduire. En aurai-je la force ?
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