Entre deux salons, entre deux vases communicants, et à force d’attendre (pour certains depuis octobre dernier) des réponses d’éditeur pour Un dollar le baril, le projet « Trois cœurs en fusion », petit à petit, lentement, progresse. La maturation est très intérieure, pour l’essentiel, mais il n’empêche.

C’est sans doute aussi pour cela que je n’ai pas évoqué le salon du livre de Cosne-sur-Loire, qui s’est déroulé pendant le week-end de Pentecôte, du vendredi 25 mai après-midi au dimanche 27 mai. Ce n’est pas parce qu’il était moins mémorable que celui de Châteauroux, loin de là. Le petit jeu que j’avais organisé la veille n’a pas eu un grand succès (pas de participant, pas de gagnant !), ce qui couplé à la chaleur écrasante (la tente était en plein soleil), à une fréquentation en baisse et aux simulations de l’impôt sur le revenu 2011, ne m’a conduit à vendre “que” cinq livres sur la journée…

Furtive rencontre

Il est un peu tôt pour proclamer que “ce n’est pas un hasard” si je me suis retrouvé, ce 26 mai, au même salon du livre que Ryoko Sekigushi. Nous n’avons eu qu’une brève conversation, je lui ai laissé les coordonnées du blog, en espérant qu’elle vienne jeter un œil sur les billets concernant mon projet, et que par la suite des échanges s’instaurent.

Combien sont-ils, ces lecteurs, ces écrivants ou écrivains, depuis plus d’un an, à l’occasion de ses apparitions publiques – les siennes comme sans doute celles des autres auteurs japonais -, à venir évoquer en quelques mots leur projet d’écriture autour des drames japonais, à laisser comme moi sur un bout de papier leurs coordonnées, en l’attente d’un hypothétique courriel ? Un auteur renommé, de portée nationale ou internationale, à l’emploi du temps chargé, peut-il prendre au sérieux le jeune écrivain, classé dans la catégorie “Auteurs régionaux” dans le catalogue du salon, qui n’a publié chez un petit éditeur qu’un premier roman policier très ancré sur un territoire, et qui entend traiter un sujet aussi considérable ?

A sa place, à la place de n’importe lequel de ces auteurs, peut-être j’hésiterais, je négligerais, peut-être que le précieux papier contenant l’adresse de ce blog dormirait coincé dans les pages du catalogue pendant des semaines, et ne serait retrouvé que quelques temps plus tard, s’il n’est pas parti à la poubelle entre-temps. Avec un peu plus de réflexion, j’aurai dû imprimer mes quelques billets directement, et lui remettre. Ah, nos actes manqués…

Du livre en lui-même

De la veille de la première catastrophe jusqu’au 30 avril 2011, Ryoko Sekigushi a donc tenu un journal, depuis sa position particulière d’auteur japonais vivant en France. Elle y raconte sa réaction aux événements, sa réaction aux réactions, au traitement de l’information, ses interrogations sur l’attitude et le rôle de l’écrivain face à ces drames, sur l’image et l’avenir de son pays, et enfin son voyage au Japon dans les semaines qui suivent.

Elle s’interroge notamment, aux alentours des pages 35 à 37, sur la possibilité d’un hasard lorsqu’un auteur écrit sur une catastrophe la veille, ou quelques jours avant que celle-ci ne se produise. De la même façon que, plus sensibles que l’homme, les animaux ressentent l’imminence de la catastrophe et la fuient ou s’en protège, l’écrivain – l’artiste – est-il doué d’une certaine faculté de prémonition, ou en tous les cas une sensibilité suffisamment exacerbée pour exprimer avec un temps d’avance ce qui se réalise après ? Je me pose la même question (relisez ce billet de février 2011), ce passage a donc eu pour moi une résonance particulière.

Dans l’ensemble, cette lecture m’a conforté dans mon approche, notamment lorsqu’elle relate un échange avec un autre auteur japonais qui affirme qu’il n’y a pas eu qu’une seule catastrophe mais autant de catastrophes qu’il y a eu de victimes. Je mesure aussi, encore un peu mieux – je ne me faisais guère d’illusion -, tout le travail qu’il reste à conduire avant d’aboutir à un premier jet de mon texte.


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