La question, souvent, se pose à l’école primaire. C’est une discussion que la maîtresse engage, un matin, un début d’après-midi. Pour que les élèves s’expriment à l’oral, devant les autres, qu’ils argumentent à haute voix. La quasi-totalité des enfants savent ce qu’ils veulent faire plus tard. Médecin, vétérinaire, chanteuse, pompier,… et tous ou presque sont capables de dire pourquoi, au milieu des rires et des exclamations de leurs petits camarades.
Moi, à l’école primaire, je rêvais d’être ornithologue, quand je serai grand…
Puis nous grandissons, nous grandissons tous. La question se pose avec une acuité nouvelle : il est question d’orientation, de détermination, de choix qui engagent pour la suite des études. « Qu’est-ce que tu veux faire, plus tard ? » acquiert une gravité, une pesanteur… Face aux rêves, face aux projets, des adultes répondent capacités, résultats, et finalement parfois choisissent à votre place. Moi, à la sortie du collège, je ne savais plus très bien ce que je voulais faire, plus tard. J’aurai pu faire des études pour être ornithologue.
Qu’est-ce que tu veux faire, plus tard ? Le lycée passe. Il y a eu la seconde d’orientation, qui sert surtout à réorienter celles et ceux qui se seraient trompés, au grand jeu de l’indécision, l’année passée, celles et ceux que les adultes ont envoyé sur de mauvaises voies, ou simplement qui confirme que la voie est bonne. Moi, j’étais en filière scientifique option technologie industrielle. Elles étaient loin, les plumes des oiseaux.
Qu’est-ce que tu veux faire, plus tard ? Année terminale : la question se repose. Il faut s’inscrire à plusieurs endroits, espérer être retenu, passer des concours d’entrée, peut-être. Ceux qui n’ont pas tenu jusque là ne se posent presque plus la question : ils font ce qu’ils trouvent. Ce n’était pas forcément ce qu’ils voulaient. J’avais demandé un dossier de classe préparatoire littéraire : pas certain que mon professeur principal, qui enseignait les mathématiques, me l’ait aujourd’hui encore pardonné. Refusé : ne pas oublier de recommander mon prof de maths à ma prof d’anglais, qui a décidément beaucoup de mal avec les fractions au moment de remplir mon dossier. Je veux arrêter mes études après le bac. Faire du journalisme, écrire. Écrire n’est pas un métier : objection familiale. Pas question d’aller en fac non plus. Finalement, au sortir de l’été, ce seront les concours d’entrée à Sciences-Po. Je réussis Bordeaux.
Qu’est-ce que tu veux faire plus tard ? Trois ans plus tard, diplôme en poche, la question se pose. J’étais prêt à faire un DESS multimédia, à monter ma boîte éventuellement. Je ne voulais pas être fonctionnaire. Sauf que… il y a eu cette annonce, à laquelle on m’a demandé de répondre, parce qu’il fallait que quelqu’un de l’école y réponde, mais de toute façon je n’avais aucune chance d’être retenu, je ne correspondais pas au profil recherché. Finalement, ils m’ont pris quand même.
Qu’est-ce que tu veux faire, plus tard ? Quinze ans plus tard, la question se pose à nouveau. A ceci près : plus tard est maintenant. J’ai un métier – j’achète. J’ai un statut, une reconnaissance. La possibilité de progresser encore, la possibilité d’assumer de nouvelles responsabilités. Et j’ai l’écriture.
Désormais, beaucoup estiment que les deux « carrières » ne sont pas compatibles, que rares sont ceux qui de front les deux pourraient mener avec succès, que je ne peux pas faire partie de ceux-là. Que c’est maintenant qu’il faut que je sois clair dans mon choix, qu’il faut que je me décide, que d’une certaine façon je renonce à progresser dans l’une ou à l’autre de ces deux voies sur chacune desquelles j’ai posé un pied.
Entre une ambition que je n’ai jamais eue, qui n’existe uniquement parce qu’elle s’inscrit dans une suite logique, mécanique, et une part de soi qui ne cesse de se développer, et dont les livres ne sont qu’empreintes, choisir n’est finalement pas si difficile. C’est surtout se faire à l’idée de renoncer.
P.S. : Je ne sais pas si vous l’avez remarqué vous aussi : sur les bords des routes du Cher, quand celles-ci traversent la forêt, les geais des chênes sont plus nombreux, cette année, à s’envoler sur nos passages.
2 commentaires
blogorel · 23 janvier 2014 à 12:12
Je ne suis pas douée pour l’écriture. Par contre, je remarque à travers vos mots que la vie continue, qu’on doit faire des choix et que souvent notre entourage essaye de nous influencer sur certaines décisions à prendre.
Je vous souhaite simplement bonne route et restez un peu rebel…
Christopher Selac · 26 janvier 2014 à 15:18
Merci à vous ! A très bientôt pour la suite des événements…