par notre envoyé spécial Bertrand Ziscion

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« Voleur ou filou ? » C’est à cette question cruciale que devaient répondre, ce matin, les juges du tribunal correctionnel de Cussec devant lequel comparaissait Stéphane (le prénom a été modifié par nos soins).

L’accusé se présentait aux côtés de son avocat, Maître Duvant, figure du barreau local, particulièrement en verve pour défendre celui que toute la profession des cafetiers surnomme désormais la « terreur des terrasses ». D’apparence, Stéphane est un trentenaire séduisant, cheveux courts, propre sur lui, plutôt bien habillé, poli, et s’exprimant clairement. Il garde la tête haute, transperçant de son regard bleu azur les juges et l’assistance, semble aussi s’excuser d’être là : difficile d’imaginer en lui le multirécidiviste qui a pendant plus de trois ans écumé bon nombre des débits de boissons de la région.

Déguisements, faux prétextes, altercations avec complices, départs à toutes jambes… toutes les techniques étaient bonnes pour partir sans payer ses consommations. Un café, une bière, une simple menthe à l’eau… : quelques euros de préjudice à chaque fois, pour au final une addition qui varierait entre 3000 et 5000 €, selon les différentes associations de commerçants venues d’une dizaine de villes alentours, et qui s’étaient portées partie civile.

Maître Duvant aura beau faire, s’employant à de multiples effets de manches, prétextant l’humour, la satire, militant pour un service public de la désaltération, rien n’y fera. Son client, silencieux, ne s’y trompe pas : comment en effet nier l’évidence ? Car c’est la signature que l’auteur laissait systématiquement sur la table qui a permis de le confondre, après de longues investigations conduisant les enquêteurs jusque dans les criées du bord de mer.

Son animal fétiche et référence directe à son site Internet desoursinsdanslespoches.com (fermé depuis la mise en examen de Stéphane) a causé sa perte : il recensait avec une extrême précision ses forfaits et expliquait ses multiples méthodes – comme d’autres vous apprennent la fabrication d’une bombe. Un site qui connaissait un succès important auprès d’un public d’initiés, en témoigne les quelques centaines de visites quotidiennes qu’il recevait. Ou comment, d’une blague potache ou d’un simple pari entre amis, un homme somme toute ordinaire se retrouve pris dans un engrenage qui le dépasse complètement.

Car si au final, Stéphane en a eu pour plus cher d’oursins que de consommations impayées, le ministère public a demandé une condamnation exemplaire, afin d’éviter qu’un tel comportement fasse des émules.

Même l’expertise psychiatrique produite par la défense, et présentant Stéphane comme victime d’un trouble obsessionnel compulsif et indiquant qu’il n’aurait pas été en pleine responsabilité de ses actes, ne devrait pas faire illusion : si la filouterie est retenue, il encourt une peine maximale de 6 mois de prison et de 7500 €  d’amende. Son comité de soutien, fortement mobilisé mais retenu à l’extérieur du tribunal avec ses banderoles et ses mégaphones, a déjà fait part de son intention de lancer une grande collecte.

Le jugement a été mis en délibéré à la semaine prochaine. Le mot de la fin reviendra à Madame la Présidente du tribunal, qui soulignera avec humour que « si l’oursin est une espèce en voie de disparition, le radin, lui, prospère ». Youpla boum.

Illustration  : Croquis aquarellé de Guy Moll, licence CC-By


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