Vases communicants de rentrée, en ce premier vendredi de septembre, et échange inédit avec Ana NB. Elle pose avec maestria une bouture de jardin sauvage, les mots bout à bout comme une herbe folle dont nul terrain, nul obstacle ne peut freiner la croissance. Avec pour contrainte d’écrire en même  temps, à plusieurs reprises au cours du mois d’août, elle a construit cet extrait de journal qu’elle a intitulé « Maintenant nous rentrons dans l’immobilité vive ». Un instant de partage intense, dont vous trouverez le pendant sur son espace, le jardin sauvage.

 

 Maintenant nous rentrons dans l’immobilité vive

maintenant nous rentrons dans l’immobilité vive (peut  – être) – alors il t’a appelée ah bon j’ai vu ton nom sur des docs pour des missions en octobre – nous devenons des regardeurs de temps – (peut  – être) – nous rejoignons les temps perdus  (peut – être) – ben oui attendre tu pourrais le rappeler – nous avançons sur notre chemin –  nous entrons dans une maison – nous sommes des porteurs de temps (peut – être) – nous retournons sur un champ de batailles (peut  – être) – nous courrons sur des traces fantômes (peut  – être) – nous empoignons les gestes regrettables (peut  – être) – nous démêlons la lecture du monde – à ce moment cet instant même jour même heure ( peut  – être) –

 

 

Lundi 19 août 2013

au début du soir – le jardin sauvage devient sombre – la fenêtre ouverte – on entend le son d’une basse une boucle sonore rythmée – on reste debout – une voix parle de la blessure d’Appolinaire – une voix dit Annie ne l’aime pas ne l’aimera jamais – on est en mille neuf cents trois / mille neuf cents quatre – je  lis un mail d’ Emilià  – si tu as quelques photos pour la biographie de ton père envoie – moi les  narcoefemèrides     – c’est l’anniversaire de mon père – on ne parle pas ici de la naissance de mon père –  ici c’est à dire dans ma famille – je prends des photographies en noir et blanc – de face de profil droit de profil gauche – comme les trois photographies perdues – j’écoute les infos  dans la cuisine je fume une cigarette –  l’Allemagne crée le premier genre sexuel neutre – plus tard j’écoute la voix de Soulages la neige noire de – je fête l’anniversaire de mon père avec la voix de Léo Ferré celle des anarchistes –

 

Mercredi 21 août 2013

 

je relis le journal de bord que tient  Christine Jeanney – journal de bord sur la traduction  de Vrginia Woolf  – http://christinejeanney.net/spip.php?article671je lis comment elle peut s’interroger longuement sur un mot à traduire – ses hésitations – sa volonté à chercher à tourner dans tous les sens le mot pour être au plus près du mot  et  de Virginia Woolf – écrire  dans sa langue maternelle c’est peut être toujours traduire  – de sa langue maternelle à sa langue à soi –  j’écris  – je prends une pile de livres une qunzaine de livres posés sur le parquet de la grande pièce – je construis un temps d’écriture en prenant un ou quelques mots volés livre après livre ouvert  – il faut aller vite pour voler les mots des livres – je retourne quelque chose dans le mot volé quelque chose de vivant –

 

jeudi 22 aout 2013

 

c’est ça l’instant – quelque chose arrive quelque part – c’est une scène – une scène de vie – on est chez soi ou hors de chez soi et quelque chose se passe sous nos yeux dans nos yeux – mais peut être ne se passe t’ – il rien ?  cet homme assis à l’entrée du supermarché – sa marque rouge sur le front – c’est ce qu’on voit – un homme assis une tête baissée – et sur son front une marque rouge – ce qui se passe ou ce qui ne passe pas – les mouvements les voix – et autour – après – rendre tenter de rendre sa réalité à la marque rouge – l’instant – un instant de réel précis ce que nous cherchons à écrire  – François Bon  en parle sur sa vidéo http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article3635  pour guider les lecteurs du Tiers livre dans l’actualité de la semaine –

 

dimanche 25 août 2013

 

je lis trop tard  votre mail envoyé  tôt le matin – je suis là où rien ne se passe – alors je pars je sors alors je marche je retrouve sous mes pas dans mes chaussures de corde qui adhérent si bien au sol de la /ma ville les rues et je retrouve chaque chose – les portes bleues le banc pour s’asseoir avec la toute petite le parc la balançoire les lignes des maisons la voix de l’homme à sa fenêtre l’herbe fraîche du matin – il nous faut choisir un cadre un espace et les sons qui vont avec l ‘espace – ici l’écriture devient un acte vengeur – on est ici on reste ici – et ce ciel on voudrait tellement qu’il appartienne à une autre ville un autre pays – une voix dit de quelle histoire je suis le produit – une femme belle s’allonge quelque part à l’ombre – une voix dit l’Europe est un musée je me sens bien dans ce musée – y ‘ a des choses à faire – et puis de quoi parlons nous – il nous faut un lieu un endroit une ville un pays un bord de quelque chose – ma mémoire est une maison oubliée – voilà tout se mélange comme le temps lui même se mélange – quelque part part un bateau sur une mer presque blanche – une voix dit le langage est un héritage archaique de la race humaine – nous sommes des pêcheurs de temps perdus –
 

lundi 26 août 2013

c’est une drôle de journée – à rester derrière les volets clos – à regarder la lumière du dehors de loin à voler des mots pour écrire – écrire aller seule vers la terre frontière – à retourner quelque chose pour parler de la vie – on prend son (in) écriture là où elle se trouve – dans son paysage sa fenêtre – pas loin de soi ou alors très loin de soi – on pense il ne faudrait pas se laisser distraire – on se lève on écoute la voiture aux notes de piano on voit la jeune fille attendre devant la porte fermée – on pense l’instant comme reflet possible du monde en soi – on regarde la nappe sa transparence – la lumière fait son travail – une voix s’approche un bruit de moteur reprend  – la ligne sonore de la réponse disparaît dans le bruit – on ne sait pas quand tout sera défait de l’instant –

 

samedi  31 août 2013

 

maintenant  vos cheveux poussent – maintenant vous tournez la page quatre cents vingt du livre de M. – la question est : qu’est – ce qu’on fait vous et moi avec /dans l’écriture – qu’est – ce qu’on a – qu’est – ce qu’on bouge  dans notre corps immobile – qu’est – ce qui apparaît par la fenêtre – qu’est – ce qui fonde notre danse avec le tout et le rien – je n’ai pas de réponse – d’ où ça vient – j’ai une idée toujours la même – de voix entendues de voix interdites de voix imaginées dans la/ma maison d’enfance – au seuil de l’entrée – dans une autre langue – nous sommes ici dans la limite du – entre passé et futur – nous sommes ici nous nous approchons de quelque chose – de la réalité de quelque chose – dans un moment dans un instant nous rendrons sa réalité à quelque chose – nous mettrons de l’ordre quelque part nous construirons un espace nous ajouterons des pièces – nous provoquerons l’impossible et la rue ses arbres ses fenêtres – et quelqu’un se tiendra quelque part – c’est là c’est à ce stade – je ne sais pas parler de ça – je ne raconte pas d’histoire – mon écriture est fragmentée comme le temps est fragmenté – je m’interdis les majuscules – je ne sais pas quand ça commence – on se rattache à quoi quand on écrit – aux mots volés aux voix derrière soi –  à l’intérieur de soi – au nom de quoi écrivons nous –

 

jeudi 5 septembre 2013

Christopher je vous ai proposé d’écrire six fois (ou plus ou moins) le même jour à la même heure – je vous envoie mon truc – ça m’a plongé dans un drôle d’état la question du maintenant  au même moment – je vous envoie une photo – et puis merci à vous pour le partage de cette expérience – belle fin d’été à vous –

 

 

Les autres échanges de cette belle journée :

Elisabeth Charmontin http://blogotobo.blogspot.fr/ et Giovanni Merloni http://leportraitinconscient.com/
Christine Jeanney http://christinejeanney.net/ et François Bon http://www.tierslivre.net/
François Bonneau http://irregulier.blogspot.com et Pierre Cohen-Hadria http://www.pendantleweekend.net/
Camille Philibert-Rossignol http://camillephi.blogspot.fr/ et Wana Toctouillou http://wanagramme.blog.lemonde.fr/

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