Ainsi l’homme laisse encore son empreinte, avec grandiloquence, avec profusion, couleurs et emphase. Dans les lieux de passage, dans la rue, sous les ponts, ici hymnes à l’amour, au romantisme, là pointes de sagesse, d’ironie, messages insidieux, de haine, de révolte. Le long de la voie de chemin de fer, sur le mur anti-bruit de l’autoroute, sous la pile du pont… et parfois simplement signature, simplement marque, simplement trace. Un peu de temps gravé dans l’espace, un peu d’éphémère figé dans la matière, un peu de pensée posé sur le décor immuable du quotidien…

Trace d’une existence singulière. Et si nous étions moins nombreux, et si nous étions moins regroupés, et si nous ne communiquions pas avec une telle profusion de moyens, nous chercherions encore le moyen de nous comprendre…

… nous dessinerions encore nos mains sur les parois de pierre, de béton, sur les palissades en bois disjointes. Et l’autre sur le tracé poserait sa main, ressentirait bien plus sous ses doigts que l’aspérité minérale, le contact humide de la condensation, sans commune intensité que celle de la seule atmosphère de l’instant… Dans le même espace, dans des temps extensibles, tu es passé ici semblable : le simple fait d’avoir imprimé ton témoignage nous rapproche.

Alors, quand face au mur immense où un couple s’enlace pour l’échange imminent d’un baiser, une femme chaque matin relève son store, elle éprouve aussi cet appel, cette liaison, vers celui qui n’a pas trouvé de meilleur message, de meilleure invitation. Il, d’une certaine façon, attendra sur le toit de l’autre côté de la rue, ce soir, demain soir, tous les autres soirs, ceux d’avant aussi, depuis que l’œuvre est terminée. Qu’elle vienne, pour une danse, un tango, pour un enlacement. Pour une nouvelle couche d’amour sur des plans inertes ainsi éveillés au monde, singularisés. Pour dans nos sillages laisser trace de vies.


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