Un an après la triple catastrophe japonaise, sujet d’une bien triste commémoration en début de semaine, j’ouvre ici véritablement, par ce billet, mon journal d’écriture.

Comme je l’imaginais, la multiplication des articles, des images, des reportages, des documentaires, ces derniers jours, a fait remonter au premier plan la nécessité – le besoin – d’écrire sur le sujet. D’où vient véritablement cet élan, c’est un mystère. Je ne peux me résoudre à laisser les médias me dicter des souvenirs par intermittence, quand là-bas la souffrance, la désolation, le péril, sont continus. Les questions, le fond du problème, les conséquences, ne sont pas seulement japonais, ils sont universels, et ils s’inscrivent dans un temps et une perspective qui n’est plus celle de nos sociétés modernes.

Le temps de quelques jours, pourtant, des textes touchants, des portraits émouvants, des témoignages poignants, comme par exemple celui de l’écrivain Natsuki Ikezawa dans le Monde Diplomatique du mois de mars, seront passés devant nos yeux, trop furtivement peut-être pour s’ancrer durablement. Le cours des choses a déjà repris, à la faveur de campagnes électorales, de célébrations d’un autre genre (la mort de Cloclo), de la chronique quotidienne du beau et du mauvais temps…

Par le côté lectures

Ces dernières semaines, j’ai approché le sujet par quelques lectures.

 

La Centrale, d’Elisabeth Filhol, de ces exploitants de centrales nucléaires qui, à choisir entre sécurité et course à la rentabilité, sous-traitent l’entretien et la maintenance, y compris et à plus forte raison dans les zones les plus radioactives. Dans le style, une grande capacité à dépersonnaliser – déshumaniser – presque complètement le récit, ce “on”, vague, pesant, la présence des centrales, écrasantes, machines à irradier ces petites fourmis humaines insignifiantes, presque anonymes, armée de l’ombre et des tâches dégradantes (physiologiquement parlant). La vie s’échappe par le ton même donné au texte, de façon quasi-inexorable.

 

 

De Corinne Lepage et de La Vérité sur le nucléaire, je soulignerai l’épaisseur et la qualité de la documentation, le réquisitoire contre le nucléaire (l’Etat, EDF, AREVA) étant répétitif, mais suffisant pour vous convaincre de ne pas acheter des actions de ces deux sociétés (et se préparer mentalement à payer toujours plus d’impôts). Une autre donne énergétique est possible, s’appuyant sur les énergies renouvelables (avec toujours l’exemple allemand), mais je n’avais pas vraiment besoin d’être convaincu. Dans le même genre, pour Un dollar le baril, le livre d’Eric Laurent, La Face cachée du pétrole, avait été nettement plus enrichissante.

 

 

J’attaque dans la foulée La supplication , Tchernobyl, chronique du monde après l’apocalypse, de Svetlana Alexievitch. J’aurai l’occasion de vous en reparler. Je ressens aussi le besoin de réaliser un cycle de lectures japonaises (vos suggestions sont les bienvenues).

 

 

 


Par le côté documentaires

J’ai visionné “J’étais à Fukushima“, réalisé par la NHK, le groupe de télévision publique japonais (27% d’audience moyenne selon Wikipédia. A titre de comparaison, en France, TF1, le leader, réalise 24,5 % d’audience moyenne). Une de mes réactions face à ce documentaire, c’est une impression de déconnexion entre le déroulement des événements tel qu’il s’est gravé dans ma mémoire l’année dernière, et tel qu’il est présenté. En quelques lignes, le message que j’ai crû déceler : si nous avons sacrifié les survivants du tsumani, c’était pour éviter la pire catastrophe nucléaire du monde, le gouvernement a fait ce qu’il fallait dans cette situation extrême, en dépit de l’incompétence de l’exploitant (Tepco). Vous n’y verrez, d’ailleurs aucune image de l’explosion des réacteurs. Pourquoi ? La réponse semble malheureusement évidente.

A contrario, “Catastrophes nucléaires : histoires secrètes“, diffusé par Canal+ lundi 12 mars dans l’émission “Spécial Investigation” ouvre sur la première des explosions. Le déroulement de la catastrophe y est plus fidèle à la réalité perçue depuis la France (par moi en tous les cas). Il utilise même des documents (photos et vidéos) fournis par Tepco. L’entreprise est clairement mise en cause, mais les difficultés du gouvernement japonais à prendre des mesures appropriées également (ce qui n’était pas flagrant dans le premier). Parmi mes regrets, il n’y a pas un mot sur l’écoulement des eaux radioactives dans l’océan. Au final instructif, et si possible à revoir. J’ai dégoté une ramification supplémentaire à mes recherches, le “groupe des 50″ employés de Tepco restés dans la centrale. Des recherches sur Internet, à partir notamment d’articles anglosaxons, devraient m’aider à savoir si cette piste est bonne.

En attendant, je ressens le besoin d’affiner mon esquisse, posée sur le papier en septembre dernier, et de commencer à tricoter mes personnages, maille après maille, même si de nombreuses questions restent en suspens.

De la construction du récit…

De façon tout à fait fortuite,  c’est le film de Clint Eastwood, Au-delà, qui vient de m’ouvrir une piste intéressante. Ce bon film avec Matt Damon et Cécile de France traite des expériences de mort imminente (NDE ou Near Death Experience).

Le scénario est articulé autour de trois personnages centraux, de trois pays différents, que rien ne prédispose à se rencontrer un jour. Hasard ou coïncidence, le film commence sur une reconstitution du tsunami indonésien du 26 décembre 2004. La trame narrative est bien construite. Confronté d’une certaine façon au même cas de figure, je ne voyais pas conclure avec mes trois personnages principaux. Je peux désormais employer le passé, je crois avoir trouvé un quatrième temps à mon roman, même si je n’en connais pas encore l’ampleur.

Il faut que je structure un peu mieux mon travail, mes notes, mes sources documentaires, que ce qui est devenu clair le reste, et que le reste s’éclaircisse. C’est bien là le défi des prochaines semaines.

A suivre donc…

Ce projet me prend désormais aux tripes. Je suis au bord de ce moment où je vais recommencer à écrire, à m’immerger dans cette histoire qui va devenir mienne, au cœur de ces personnages de fiction dont je vais tour à tour endosser l’habit et le visage, l’émotion et la pensée. Je dois avouer que ce moment me tarde, désormais.


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