D’où viens-je ? Où vais-je ? Il fait noir, il fait froid et je tombe sans la moindre notion du temps, balloté par le vent. Je ne suis pas seul : nous sommes des millions, des milliards peut-être, emportés dans le même mouvement que nul ne maîtrise, vers le fond d’un puits sans lumière, un tunnel peut-être, au coeur d’une nuit profonde. Tous semblables, tous différents. Mais chacun de nous est seul, chacun de nous vole, virevolte, ou se précipite.

Combien de temps dure la chute ? Quelle distance parcourue ? Je n’en sais rien, nous n’en savons rien, personne ne peut le savoir. Nous finirons tous de la même façon, destinés à gésir à même le sol, sur un toit, sur une branche d’arbre dénudée, sur une voiture abandonnée à cette longue nuit d’hiver, dans l’ombre ou dans la lumière, ternes ou brillants, dans l’agglomération de nos solitudes, infinie chappe de silence.

La fin est proche, et pourtant, une lumière apparaît et grossit. A sa faveur, sur le sol blanc, nous formons ensemble un ballet étrange et fascinant de petites ombres, semblable à celui auquel, sous la surface des océans, les bancs de poissons longilignes se livrent. Je me rapproche, et je te vois toi, immobile, les yeux levés vers ce spectacle. Je me prends à rêver qu’à la faveur d’un souffle, je vienne vers la main que tu tends pour y chercher la caresse qui me fera fondre.

Comme si, depuis là-haut, depuis le point indéterminé de mon origine, nous avions toujours eu rendez-vous, je viens me déposer sur tes lèvres, baiser glacé et humide, magique et inattendu, pour te remercier d’échapper à ma fatale condition, couler un dernier jour heureux en te réchauffant d’une joie enfantine. A moins qu’avant même notre délicieux contact, ton souffle brûlant ne me sublime et que, moi, petit flocon, bien avant tous les autres, ne m’évapore, ne m’élève, et un jour me reforme pour rechuter encore.

M’attendras-tu toujours, demain, ou plus tard, les yeux levés par le ciel, sous ce réverbère et l’averse de neige, à espérer le temps de nos retrouvailles ?


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