Ce qu’il faut retenir de l’expérience de ses lecteurs sur ses textes…

 

Vous pourriez, en lisant la suite de ce billet, considérer son propos comme la reconnaissance de quelque faute dans l’écriture de mon deuxième roman. En réalité, l’auteur qui n’a pas ou peu d’expérience – et c’était mon cas au moment de l’écriture d’Un dollar le baril – ne mesure pas pleinement les conséquences des choix qu’il fait dans la construction de son récit.

 

 

Une mauvaise surprise

 

Le premier exemple, c’est le chapitre 2 (lire l’extrait sur Immateriel.fr) : dédié à l’action, le lecteur va y faire la connaissance d’un groupe très organisé, déterminé, ne reculant devant rien, qui va assassiner en plein ciel un pilote de planeur, visiblement dans un but précis, la possession d’un objet dont le lecteur ignore encore tout. Jusqu’ici, rien d’anormal dans un thriller.

Là où le bat blesse, c’est lorsque le groupe se replie (et que le lecteur s’imagine que le chapitre va se terminer tranquillement sur cette fuite) : au contraire, et pour illustrer la cruauté de la bande, et de son chef en particulier, deux nouveaux meurtres sont commis, des personnes innocentes au mauvais endroit au mauvais moment, et par un moyen somme toute assez barbare. La scène en elle-même suggère plus qu’elle ne décrit (lire l’interview chez Numeriklivres « La magie des mots et l’imaginaire du lecteur font le reste »), elle est courte (pas même deux pages), mais c’est sans doute là une mauvaise surprise.

Les réactions, notamment des lectrices, sont assez nombreuses et certaines ont même arrêté la lecture du roman à la fin de ce chapitre, qui n’est pourtant pas représentatif du degré de violence de l’ensemble de l’œuvre.

Qu’est-ce qui peut bien rendre la lecture de ce passage insupportable ?

Je pense – et en l’affirmant je prends le risque de me tromper – qu’il s’agit d’une combinaison de facteurs, que je classe par ordre décroissant :

  1. L’utilisation du présent : il y a une vraie différence entre arriver par la lecture sur une scène de crime « froide », quand tout est figé, et que le lecteur reconstitue le déroulement d’événements passés avec les protagonistes de l’histoire, et vivre par procuration la scène au moment même où elle se déroule.
  2. L’arme du crime : s’il ne s’était agi que d’un meurtre à l’arme blanche, au pistolet ou au fusil – comme en début de chapitre -, d’une bombe sous une voiture, c’est-à-dire un moyen habituel, banal, sans doute serait-ce passé comme une lettre à la poste. Mais un broyeur de végétaux… Moi-même en m’efforçant encore de visualiser la scène, j’en ai des frissons dans les avant-bras. Pourquoi, alors même qu’ils ont des armes sous les mains, et qu’ils viennent d’en faire usage ?
  3. L’identification ou la compassion pour les victimes : Monsieur et Madame Toutlemonde, qui ne demandaient rien à personne, qui étaient tranquillement chez eux, qui sans doute travaillaient dur pour vivre heureux une vie qui ne devait pas être facile, qui travaillaient la terre… Et voici que des bandits débarquent chez eux, les séquestrent et finalement les exécutent…
  4. L’enregistrement vidéo du crime par ses auteurs : le détail est sordide, à l’image de ceux qui endossent le mauvais rôle. Sans même qu’il soit question de la fin, de l’usage de la vidéo par la suite, l’aversion pour ce groupe d’individus est déjà totale. Nous ne connaissons d’eux ni leurs prénoms, ni leurs noms, simplement leurs actes, la froideur, l’indifférence, leur mépris pour la vie humaine, et pourtant nous les détestons (parfois au point de ne plus vouloir les recroiser, donc d’arrêter la lecture).
  5. L’absence de mobile : si ce n’est de faire disparaître des témoins gênants, le crime n’a à ce moment de l’histoire aucune justification. Était-ce utile de les tuer ? L’intimidation ou l’usage d’un moyen de pression quelconque aurait sans doute suffit à convaincre ce couple de garder le silence.

 

Pour autant, il faut relativiser : un tel passage n’avait pas été souligné comme insupportable par mon petit panel de lecteurs et lectrices du manuscrit. Qu’il puisse choquer des âmes sensibles, c’est un fait. L’écrirai-je aujourd’hui différemment – voire pas du tout ? Rien n’est moins sûr. Qu’il y ait de ces remarques quelque chose à retenir pour les prochains romans, en revanche…

 

 

Un dollar le baril, paru en février 2013, est toujours disponible chez Numeriklivres (4,49 €) et en papier aux éditions Les 2 Encres (20,50 €). D’ailleurs, pour Noël, vous pouvez commander vos versions dédicacées ici.

 

 


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