Qu’y a-t-il de changé entre l’écriture de mes deux premiers romans (entre 2008 et 2011, schématiquement) et aujourd’hui, l’écriture du troisième qui s’amorce, balbutie, piétine (2014) ?

Peu et beaucoup à la fois. A première vue, peu. Pas de changement sensible côté professionnel, pas de changement sensible côté familial – si ce n’est que les enfants grandissent, ce qui en soi bouleverse quand même pas mal de choses.

Le fait d’avoir deux romans publiés, en papier (et maintenant en numérique), occupe de temps en temps un samedi ou un dimanche, que ce soit une séance de dédicace en librairie ou un salon du livre, comme samedi prochain à Paris, mais pas au point de changer radicalement la donne. Le regard des autres, l’enthousiasme né du partage des lectures – et pas uniquement de mes textes -, les conversations autour de l’écriture, cette schizophrénie latente entretenue par la publication sous pseudonyme sont plutôt enrichissants. Le tout nourrit une réflexion régulière sur le futur, cette fameuse question « Qu’est-ce que tu veux faire plus tard ? », sans véritable pouvoir résoudre l’équation « plus tard = aujourd’hui », se décider à prendre des risques, et entraîner prématurément tout le petit monde autour duquel je gravite dans une aventure hasardeuse, qui ne reposerait que sur mon éventuel talent, ma capacité à le faire reconnaître et prospérer.

Les temps dédiés à l’écriture – toujours loin d’être idéalement placés – ne sont pas plus véritablement plus rares qu’avant, et pas forcément plus courts. Encore que… Depuis 2011, je tiens un blog. J’ai un compte Twitter. Un compte Facebook. Je poste, j’aime, je retweete, je suis des personnes rencontrées en vrai ou non. Je lis beaucoup plus en ligne qu’avant, je lie aussi… Je participe à des événements comme les #Vasescommunicants, ou aujourd’hui #lundiblogs (même de façon discontinue). J’ai un smartphone – mais pas un récent – qui sonne ou qui vibre quand je reçois un courriel, à toute heure du jour ou de la nuit, même quand il ne s’agit que de publicité. Internet partout, via ADSL ou via Wifi, quand il y a du réseau, même en vacances, même dans un endroit isolé à la campagne, même sur la plage. Comme tout le peuple des auteurs quasi-anonymes, je suis aussi mon premier et mon plus actif commercial – mais cela fait complètement partie du travail de l’écrivain, désormais.

Bien que loin d’être frénétique, mon activité dans cet autre monde – pas si virtuel : la réalité n’a pas besoin de matière pour exister -, je la conduis sur des temps laissés libres par les occupations premières, les miens, et le moyen de notre subsistance à tous. C’est-à-dire sur les temps précédemment dévolus exclusivement à l’écriture de mes deux premiers romans.

Me mettre dans les meilleures conditions pour mener à bien ton nouveau projet dans un délai raisonnable, et profiter pleinement de tous les temps nécessaires pour y arriver, pourrait bien être revenir à l’isolement originel qui était le mien au cours de l’écriture de mes deux premiers romans. Ce serait pour quelques mois couper la connexion : mettre en sommeil le blog, les comptes Facebook, Twitter. Ne plus y passer, à peine pour répondre à celles et ceux qui me citeraient ou me solliciteraient. Ne pas non plus donner des nouvelles de l’avancée de mes travaux.

Imaginable ? Oui.
Réalisable ? Sans doute (suppression de favoris et raccourcis, de notifications automatiques…), tout ce qui vous rappelle qu’une partie de votre vie d’écrivain est ici sur la Toile.
Facile ? Je doute encore de mon envie de passer à l’acte, à résister à l’envie de revenir régulièrement.
Bénéfique ? Au moins autant que le migraineux qui se coupe la tête pour ne plus avoir mal.

Je reste, donc, en levant un peu le pied, quelques mois. Je me raisonne aussi, je « sanctuarise » les temps d’écriture de toute forme de distraction. Les amants du marais, puisque c’est le titre provisoire que j’ai donné à mon troisième roman, m’ont trop attendu.


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